Mémoire présenté par Rosemère Vert - Projet métropolitain d’aménagement et de développement révisé de la Communauté métropolitaine de Montréal
Mémoire présenté par Rosemère Vert dans le cadre du Projet métropolitain d’aménagement et de développement révisé de la Communauté métropolitaine de Montréal
Le futur Plan d’aménagement et de développement (PMAD) révisé de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) aura des répercussions majeures sur la santé et la qualité de vie des citoyennes et des citoyens du Grand Montréal au cours des prochaines décennies. Il est nécessaire que le PMAD s’attaque avec vigueur aux crises environnementales auxquelles nous sommes confrontés, soit la lutte et l’adaptation aux changements climatiques, l’effondrement de la biodiversité et la pollution. Les choix qui seront faits aujourd’hui par les décideurs pourront contribuer à atténuer les effets de ces crises, ou au contraire, à les amplifier.
Rosemère Vert est conscient que les grands thèmes du projet de PMAD révisé (PPMADR) sont déterminés à cette étape du processus. Toutefois, nous profitons de cette consultation pour vous partager certaines inquiétudes et pour vous demander d’agir sur un élément bien précis, soit celui de l’avenir du site de l’ancien golf de Rosemère. La volonté de protéger cet espace vert mobilise de nombreux citoyens depuis 2018. La protection du site de l’ancien golf de Rosemère représente un aspect important d’une problématique plus générale concernant l’aménagement urbain sur le territoire de la CMM.
Nos inquiétudes :
D’abord, nous sommes pleinement d’accord, comme le projet de PMAD révisé l’indique, qu’à l’heure de la crise climatique et de la crise de la biodiversité, l’aménagement du territoire est un vecteur clé d’adaptation devant simultanément viser la protection des milieux naturels résiduels en vue de leur maintien et l’accroissement général de la biodiversité sur l’ensemble du territoire » et que « dans ce contexte, il importe d’élargir les interventions de protection des milieux naturels résiduels, en considérant des milieux qui, sans porter des caractéristiques propres aux milieux naturels, jouent des rôles importants sur le plan des services écosystémiques : espaces verts, espaces dédiés à la reconversion » et que « ceux-ci contribuent à la résilience et à la qualité de vie de la population, ou ont le potentiel d’y contribuer. »
La portion du site de l’ancien golf protégé dans le PPMADR est moindre que la partie zonée “public” du terrain.
En ce sens, nous considérons que les anciens golfs, dont celui de Rosemère, s’inscrivent dans cette vision de protection du territoire et nous sommes inquiets que le RCI 2022-97 ait été modifié par le RCI 2023-104, revoyant à la baisse la superficie préservée de ce terrain de 60 hectares afin de ne protéger que 70 % des 88,5 % protégés initialement. Rosemère Vert est donc préoccupé par l’incidence du critère 3.2.3 portant sur la protection d’un minimum de 70 % de la superficie du site de l’ancien golf en faveur d’une affectation culturelle, récréative, de loisirs et/ou de conservation. Comme le zonage « public » d’une superficie de 11,5 % du terrain a déjà été changé pour « résidentiel / commercial » dans le passé, la partie sous RCI ne représente maintenant que 62 % du terrain (37 hectares). Ce sont donc 38 % (23 hectares) qui sont maintenant à risque d’un développement éventuel au lieu du 11,5%.
La perte de la biodiversité et la réduction des services écosystémiques
Développer sur des parties de ce site ferait en sorte de réduire les bienfaits des services écologiques rendus à la communauté qui est appelée à croître et à se densifier. Cela aurait aussi pour conséquence de faire fuir de nombreuses espèces qui habitent sur le site et qui ont besoin d’espace en retrait des zones résidentielles. Ces espèces utilisent le corridor écologique que constituent le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles, le site de l’ancien golf de Rosemère, la rivière aux Chiens et la Forêt du Grand Coteau. La protection du site de l’ancien golf permet la connectivité écologique entre ces milieux.
Rosemère Vert a aussi obtenu des informations en août 2021, communiquées par le MFFP (Ministère des Forêts, de la faune et des Parcs) au MAMH, à la suite de la demande de changement d’affectation du sol de la Place Rosemère et du site de l’ancien golf de Rosemère. Le MFFP voulait porter à l’attention de la MRC Thérèse- De Blainville le commentaire suivant : « les données provenant du Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec révèlent la présence de 10 espèces fauniques en situation précaire, soit le petit blongios, le martinet ramoneur, la couleuvre verte, le faucon pèlerin, la couleuvre à collier, la salamandre à quatre orteils, la couleuvre brune, la tortue-molle à épines, la couleuvre tachetée et la tortue géographique. Il est proposé de prendre en considération la présence de ces espèces dans l’aménagement du parc écologique ».
C’est sans compter que depuis sa fermeture en 2018, la nature reprend ses droits sur ce territoire qui comprend différents types d'habitats pour la faune et la flore : des zones boisées, des prairies et des zones humides. Des plateformes spécialisées dans le recensement de la biodiversité telles que Mission Monarch, iNaturalist, eButterfly et eBird indiquent que plus de 850 espèces, incluant des végétaux, des oiseaux (129 espèces), des mammifères, des reptiles, des batraciens, des arthropodes et de nombreux pollinisateurs, ont été répertoriées sur le site jusqu’à ce jour. Parmi ces espèces, 37 sont considérées comme étant vulnérables ou en péril comme le monarque, l’érythème des étangs, le bourdon fervidus, le martinet ramoneur, le goglu des prés, la chélydre serpentine, la grenouille léopard, la sanguinaire du Canada, pour n’en nommer que quelques-unes.
Le flou législatif
De plus, Rosemère Vert s’inquiète du fait que les outils juridiques en place ne semblent pas assez explicites pour permettre aux villes du territoire de la CMM de répondre avec assurance aux besoins de protection visés par le PMAD et par les cibles de 30 % de protection et 30% de restauration de l’accord de Kunming-Montréal.
Demande de Rosemère Vert
Faire en sorte qu’au minimum, la totalité de la partie zonée « public » du dernier grand espace vert de Rosemère (88,5 % du site de l’ancien golf – 53,7 hectares) soit préservée en tant que parc public écologiquement restauré.
La protection et la restauration du site de l’ancien golf à un minimum de 88,5% permettrait à la CMM de se rapprocher des cibles de protection et de restauration de 30% de son territoire et d’être en cohérence avec les orientations 1, 2, 4 et 5 des nouvelles OGAT qui entreront en vigueur en décembre 2024. D’ailleurs, l’annexe 2.1 des OGAT (p.119) indique que « les milieux naturels restaurés, créés ou faisant l’objet d’un projet de restauration ou de création » sont considérés comme étant des « territoires d’intérêt écologique sans statut de protection ou de conservation ».
La population des Basses-Laurentides augmente de manière significative, mais la quantité d’espaces verts disponibles pour la population demeure limitée. À Rosemère, plus précisément, la densification prévue en lien avec le redéveloppement de la Place Rosemère entraînera une augmentation importante de la population, ce qui accroîtra les besoins en espaces verts pour la santé et le bien-être de la communauté. Situé en plein cœur de la ville, le site de l’ancien golf est l’endroit tout indiqué pour répondre à ces besoins.
Le site de l’ancien golf de Rosemère rend des services écosystémiques importants à la ville et aux citoyen.ne.s. Par exemple, il absorbe et emmagasine une quantité importante de GES, purifie l’air et favorise la résilience climatique en agissant comme un îlot de fraîcheur et en absorbant les fortes pluies. D’ailleurs, le nord du site de l’ancien golf était un véritable lac à la suite des pluies diluviennes du 9 août 2024 qui ont causé de nombreuses inondations. Si des parties du site étaient minéralisées, tous ces services bénéfiques seraient réduits avec des impacts négatifs sur la communauté et aussi sur la biodiversité, à cause de la fragmentation du terrain.
Le site de l’ancien golf comprend des milieux humides importants pour l’adaptation aux fortes pluies et ils constituent l’habitat de plusieurs espèces vulnérables.
Le site de l’ancien golf de Rosemère est situé dans le domaine bioclimatique de l’érablière à caryer cordiforme qui est, de loin, le plus dégradé de tout le Québec et qui contient le plus grand nombre d’espèces menacées selon l’Atlas de la biodiversité du Québec.
Par son rôle de corridor écologique entre le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles, la rivière aux Chiens et la forêt du Grand Coteau, ce territoire pourrait, une fois écologiquement restauré, accueillir une plus grande variété d'espèces et jouer un rôle important pour le maintien et la restauration de la biodiversité dans cette zone urbaine.
La Presse a déjà révélé une contamination du sol de ce terrain au mercure et à l’arsenic, non conforme ‘’aux usages résidentiel et commercial projetés’’. La conservation de cet espace vert en parc écologiquement restauré est donc l’option la plus écologique et la plus sécuritaire pour la population.
Depuis le début des années 2000, des recherches (voir les références à la fin) ont été effectuées pour mesurer la richesse de la biodiversité des terrains de golf en milieu urbain. Les résultats ont démontré que nombre d’entre eux sont plus riches en biodiversité que les parcs urbains ou les zones résidentielles des mêmes secteurs. Il a aussi été démontré qu’ils sont particulièrement importants pour le maintien de la biodiversité en territoire urbain et que plus les zones avec une structure de végétation complexe sont nombreuses sur un site, plus la richesse de la biodiversité est importante. Il est donc raisonnable de croire que la biodiversité d’un ancien golf comme celui de Rosemère, qui se renaturalise depuis maintenant 6 ans, soit encore plus foisonnante.
Les espaces verts de proximité ont un effet direct sur la santé de la population en augmentant, entre autres, l’activité physique et le bien-être individuel et collectif.
Jour après jour, des informations transmises par les scientifiques confirment qu’il est primordial pour notre qualité de vie et pour celle de l’ensemble de la biodiversité, de préserver les derniers espaces verts et de restaurer un grand nombre de ceux qui ont été dégradés en milieu urbain. Les décisions prises au cours des prochaines années devront nécessairement en tenir compte. En ce sens, les anciens golfs comme celui de Rosemère, sont de véritables joyaux sur le territoire de la CMM.
Protéger le site de l’ancien golf est une opportunité à saisir maintenant afin de contribuer localement à l’adaptation aux changements climatiques et à la préservation de la biodiversité pour les générations futures.
Toutes ces raisons amènent donc l’OBNL Rosemère Vert à appuyer avec vigueur la demande de la CMM à la MRC Thérèse- De Blainville pour que l'ancien golf de Rosemère fasse partie d'un nouveau réseau de parcs métropolitains écologiquement restaurés et de protéger au minimum l’ensemble de sa superficie zonée “public”, en lien avec l’Orientation 3 du PPMADR « Un Grand Montréal avec un environnement naturel, culturel, paysager et patrimonial protégé et mis en valeur » et son objectif 3.1 « Identifier les territoires permettant l’atteinte des engagements de la CMM en matière de conservation, de protection et de restauration des milieux naturels ».
Rosemère Vert demande ainsi aux élus(es) de la Ville de Rosemère et de la MRC de Thérèse-de-Blainville de maintenir les affectations et le zonage actuels et interprète le critère 3.2.3 portant sur la protection d’un minimum de 70 % de la superficie du site de l’ancien golf en faveur d’une affectation culturelle, récréative, de loisirs et/ou de conservation sur 100 % du site.
Rosemère Vert demande aussi que la CMM mette à la disposition des villes et des MRCs les moyens pour acquérir ces sites et insiste auprès du gouvernement du Québec pour qu’il mette à jour l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) en y incorporant le concept de “restauration”. Ainsi, les municipalités auront les outils légaux adéquats pour protéger des espaces verts et les restaurer.
Suggestions supplémentaires
Orientation 1. Un Grand Montréal avec des milieux de vie complets et durable
Nous soutenons la section sur l'équité et la justice environnementale (Page 43 du PPMADR) et nous demandons au PMAD d'aller plus loin et de s'engager dans des actions concrètes. Cela devrait impliquer l'utilisation des principes de justice environnementale en tant qu'outil de planification pour résoudre les problèmes existants et pour s'assurer que de nouveaux problèmes n'apparaissent pas à l'avenir.
Orientation 3. Un Grand Montréal avec un environnement naturel, culturel, paysager et patrimonial mis en valeur.
Le Grand Montréal est sur la route migratoire de nombreuses espèces d'oiseaux. Afin de réduire le nombre de blessures et de décès d'oiseaux, nous recommandons que l'ensemble de la CMM rejoigne le programme de Nature Canada Ville amie des oiseaux - Nature Canada. Ceci est particulièrement important à l'heure où la CMM va connaître une forte densification, avec de nombreux nouveaux bâtiments qui devraient être construits de manière à réduire le risque de collision avec les oiseaux.
Références :
Cadre Mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal (18 décembre 2022). Convention sur la diversité biologique - ONU.
William, N., Hahs, A., (November 4, 2020). Urban golf courses are biodiversity oases. Opening them up puts that at risk. The Conversation. https://theconversation.com/urban-golf-courses-are-biodiversity-oases-opening-them-up-puts-that-at-risk-148634
Wood, Travis. (November 17, 2017). As hundreds of golf courses close, nature gets a chance to make a comeback. University of Missouri-St. Louis.
Lewis, N., (Octobre 30, 2023). Abandoned golf courses are being reclaimed by nature. CNN - Call to Earth https://www.cnn.com/2023/10/27/world/abandoned-golf-courses-reclaimed-by-nature-c2e-spc-scn-intl/index.html
Colding, J., Folke, C. (November 2008). The role of golf courses in biodiversity conservation and ecosystem management - Golf courses can restore and enhance biodiversity in ecologically simplified landscapes. Stockholm Resilience center - Stockholm University.
Uuganbadrakh, L. (August 2020). Biodiversity audit of Vancouver Park Board Golf Courses. University of British Columbia.